Introduction au système de classe

INTRODUCTION AU SYSTEME DES CLASSES

(Extrait de cours donnés aux étudiants de 3ème année par l’Archimage Hoberus Nart)

Certains d’entre vous s’étonneront du sujet que je vais traiter aujourd’hui, surtout en troisième année. D’autres ne se poseront même pas la question ; ceux-là, je sais qu’ils ne sont ici que pour gratter des points faciles pour l’examen final… (rires). Peu importe !
Il s’agit néanmoins d’un thème particulièrement pertinent. Réfléchir sur ce qui vous semble si évident constitue un excellent exercice d’analyse qui vous oblige à prendre du recul, à tenter de regarder le monde sous un prisme de vision différent.
Bien sûr, lorsqu’on évoque quelqu’un en précisant : c’est un guerrier ou un druide, immédiatement, les fondamentaux de leur classe vous viennent naturellement à l’esprit. Mais imaginez un instant que vous veniez d’un monde où les classes n’existeraient pas. Il vous faudrait alors les définir.
Oui… Je vois d’emblée vos objections : qui ignore le système de classes sur Gaéa ? Toutefois, même la cartographe gnome Désirna Bottine-Agile ne prétend pas connaître chaque recoin de notre monde… Il demeure peut-être des peuplades reculées qui ne connaissent pas cette forme organisation sociale. Et ne parlons même pas de la multitude de plans matériels alternatifs imbriqués qui constitue le multi-univers. Il existe certainement un endroit sans classe. Je sais que votre section se destine à embrasser la carrière de diplomage. Vous vous devez donc de savoir pratiquer l’ethnologie qui commence par une étude critique de ses a priori.
Qui peut me définir ce qu’est une classe ?
Ah ! Tout de suite, vous devenez bien silencieux…
Une classe est un groupe d’individus qui se reconnaissent entre eux comme exerçant une même fonction dans la société.
Certaines caractéristiques peuvent varier d’un lieu à l’autre, mais les fondamentaux restent identiques.
Un guerrier est toujours un individu maîtrisant la technique du combat. Un mage − comme vous et moi − sera un expert des arts profanes. Un prêtre se dévouera à l’adoration d’une Puissance qui, en contrepartie, lui octroiera des sortilèges divins. Un artisan se focalisera dans la fabrication d’objet divers. Un libre-commerçant parcourra les routes en troquant ses marchandises… Un voleur excellera dans l’art de la discrétion et dans celui d’amasser des richesses au détriment d’autrui… en quelque sorte comme un marchand fixe ou libre-commerçant, mais avec l’agilité physique en plus ! (rires).
La liste serait encore longue, et si l’on considère les sous-classes… Je ne pourrais pas être exhaustif dans le peu de temps qui m’est imparti pour cet enseignement optionnel. Pour évoquer brièvement celles-ci, chacun pensera à l’éclaireur, cette sous-caste de guerrier spécialisée dans la survie en milieu naturel et le combat à distance tandis que le traqueur, tout aussi maître dans l’art de se fondre dans son environnement, préfèrera l’attaque au corps-à-corps.
Oui ? Ah, j’ai utilisé le terme caste au lieu de classe. Dans certains cas, le terme corporation est également employé, mais avec une connotation plus technique.
Vous souhaitez connaître la différence entre classe et caste ? Bien souvent, les deux termes sont synonymes. La nuance provient de la haute opinion que ses membres ont de leur appartenance à celle-ci ou du regard que les autres lui portent. Ainsi on parlera plus facilement de caste pour nous, les éminents magiciens, et de classe pour les simples guerriers.
Vous disiez..? Le critère de l’organisation hiérarchique interne ? Certes, il peut jouer mais je le retrouve dans ce que je vous indiquais précédemment. Nous sommes finalement peu hiérarchisés, mais nous estimons appartenir à une caste. Les titres de Mages, d’Archimages ..?
Ils n’évoquent que la capacité de leur auteur à maîtriser un certain degré de magie profane.
Bien sûr, vous avez raison, jamais un Archimage n’obéira à un Mage… Mais avez-vous déjà vu un Mage obéir volontairement à qui que ce soit ? (rires) Non ! Nous sommes tous bien trop individualistes pour cela !
Oui, observation très pertinente ! Je constate avec plaisir que vous vous prenez au jeu de la distanciation avec le sujet : comment peut-on à la fois être individualiste et se considérer comme membre d’une caste ?
La contradiction n’est qu’apparente.
Il est dans la nature des êtres vivants et pensants de se regrouper. Leurs besoins étant identiques, ceux-ci priment sur la concurrence naturelle interne qui les oppose. Les artisans boulangers doivent s’approvisionner en farine, en combustible, construire des fours, vendre du pain, éviter les taxations… Ils préfèrent s’organiser entre eux, bien que chacun vantera toujours son produit et son savoir-faire par rapport à celui de son homologue. Nous, Magiciens, avons besoin de bibliothèques, d’acheter des parchemins, des composants, d’échanger des sources de pouvoir… donc nous mutualisons nos moyens, tout en tentant bien sûr de tirer la couverture à nous dès que l’occasion se présente !
Je terminerai mon propos par les sans-classes. Mais en existe-t-il vraiment ? Les tâcherons, les serfs, et même les esclaves − dans les contrées où l’esclavage n’est pas interdit − peuvent sans doute aussi être considérés comme membre d’une classe, même si leur adhésion n’est pas véritablement volontaire.
En tous les cas, une chose me paraît certaine, les employés municipaux d’Altan constituent bien une classe à part entière : tatillons, bureaucrates, imbus de leur personne et persuadés d’en savoir plus que les autres. Plus que nous autres magiciens alors qu’ils sont payés avec nos impôts ! Ils s’avèrent jaloux de leurs privilèges et se défendent les uns les autres dès qu’on veut s’en débarrasser : une vraie caste en fait ! Mais cela, vous vous en apercevrez bien assez tôt, jeunes filles et jeunes gens !

Prologue

PROLOGUE

 

« Trop tard ! Elle a succombé, Maîtresse ! Il n’y a plus rien à faire. Mes soins seraient sans effet.»

Sur le sol poussiéreux de la maison en ruine gisait une forme sans vie. La grande femme brune foudroya du regard son subordonné, penché sur le cadavre. Sa proie avait finalement réussi à lui échapper, mais dans la mort… Quelques secondes auparavant, la peur de l’avoir perdue une première fois lui avait déjà causé un choc atroce. Elle revit l’éclair vert qu’avait produit l’artéfact de transport instantané. Elle avait cru un instant que sa victime l’avait activé pour fuir. Mais non ! L’objet magique était à usage unique… et n’était utilisable que pour une seule personne. Elle l’avait déclenché pour sauver son bébé. Ses dernières paroles résonnaient encore dans la pièce.

« Mon fils est en sécurité, maintenant. Et moi, tu ne m’auras pas vivante ! » avait elle hurlé.

Encerclée, elle n’avait plus aucune issue. Personne ne pouvait la secourir ! Et pourtant, voilà qu’elle était hors de sa portée à présent. Une si douce vengeance qu’elle ne pourrait pas assouvir… Un plan si parfait tenu en échec ! La frustration la rendait folle de rage. Ses hommes étaient tous des incapables ! Aucun d’entre eux n’avait eu de réflexes. Ils auraient pu au moins la paralyser. Ils auraient dû le faire ! Mais non, ils n’avaient pas réagi à temps. Ce fiasco était de leur fait. Et cet imbécile qui la regardait maintenant de ses grands yeux vides… Il attendait les ordres. Eh bien, il allait voir…Submergée par la haine, elle se jeta sur lui. Ses deux dagues volaient si vite que le regard ne pouvait les suivre. Son visage, sa gorge, le défaut de son armure de cuir, les lames rougies par le sang cessèrent enfin leur valse macabre. L’homme le plus proche d’elle s’effondra, réduit en une masse de chairs déchirées. Les autres, tétanisés, hésitaient même à respirer trop bruyamment. Témoins impuissants de la crise de violence incontrôlable de leur chef, pas un n’osa esquisser le moindre geste. Ils avaient tous trop peur d’attirer son attention. Dans l’état où elle était, son instinct de prédateur l’aurait poussé à continuer le carnage jusqu’à épuisement. Chacun priait silencieusement, espérant qu’il ne deviendrait pas sa prochaine cible expiatoire. Ils n’utilisèrent même pas leur pouvoir d’invisibilité. Bien trop risqué. Elle les aurait détectés quand même. Ils connaissaient tous parfaitement l’ampleur de ses pouvoirs. Après des minutes interminables, elle s’apaisa enfin. Elle s’approcha alors à son tour du corps sans vie.

« Ecarte-toi, crétin ! » dit elle simplement à celui qui était resté à côté du cadavre.

Le soulagement qu’il éprouva à ces mots était indescriptible. Il s’attendait à être sa prochaine victime. Mais, il avait tort. Leur maîtresse était remarquablement calme à présent. Elle pouvait être brûlante comme la lave, puis froide comme un glacier l’instant d’après.

D’un geste sec et précis, elle arracha le poignard fiché dans la poitrine de la morte. La lame ruisselante venait de quitter son cœur. Elle était de la même teinte que le splendide grenat qui ornait le pommeau de sa garde. La femme brune desserra de force les doigts de la jeune femme. Ils serraient encore désespérément un morceau de tissu bleu, celui dans lequel elle avait enveloppé son nourrisson. Comme elle l’avait tenu tout contre elle, il s’était également imbibé de son sang. Elle fit volte-face vers ses hommes, toujours paralysés de terreur.

«  Débarrassez-moi le corps de cet abruti. L’échec est de sa faute. Mais, vous êtes tous responsable ! Tous autant que vous êtes ! Bande d’incapables, si vous ne voulez pas finir comme lui, retrouvez l’enfant ! Cherchez-le ! Apportez-le-moi !»

Ses yeux brillaient d’une lueur sinistre. Elle s’était remise à calculer. Son plan initial avait échoué. Elle aurait tellement aimé la capturer vivante… Tout ce qu’elle aurait pu faire alors…Tant pis, elle tirerait quand même profit de sa mort. Il en serait malade ! Comme il allait souffrir ! Finalement, je l’aurai, ma revanche ! se dit-elle intérieurement. Si je n’ai pu l’avoir, elle, j’aurai leur fils ! Elle souriait maintenant, se délectant à l’avance à l’idée de ce qu’elle allait pourvoir faire. Ses hommes la fixaient toujours, ne sachant pas que faire exactement. Qu’est ce qu’ils attendaient encore ? Qu’elle leur fasse un dessin ? Par tous les démons de l’Enfer, pourquoi était-elle entourée d’incompétents… ?

« Allez ! Déguerpissez ! glapit-elle. Et revenez avec lui ! Sinon, c’est moi qui vous retrouverai…»

Enfin, ils avaient compris. Ils s’enfuirent en désordre, chacun quittant ces ruines le plus vite possible. Ils n’étaient que trop heureux d’être encore en vie, vu la tournure prise par les événements.

Elle retint par le col de son armure en cuir celui qui n’avait pu soigner la morte.

« Pour toi, j’ai une autre mission. » lui dit-elle, en lui remettant le poignard qu’elle venait d’enrouler soigneusement dans le tissu. « Apporte-lui cela ! Je vais t’indiquer où il se trouve. Tu iras lui porter mon message en personne. Dis-lui simplement que je retrouverai également son fils. »

 

***

 

Bien des années plus tard…